MELETAN
Laisser place à ce qui résiste
Et si le corps n’avait pas à être tenu à l’écart de la pratique spirituelle ? Et si la tradition n’était pas ce carcan binaire — vrai ou faux — mais un lieu de réévaluation vivifiante, en résonance avec le passé, le présent et l’avenir de nos communautés ? Savons-nous vraiment ce que dit la théologie avant de nous sentir en décalage, fautifs, ou en contradiction avec nos existences ? Meletan est né de ce doute fertile. Il ne s’agit pas de tout renverser, ni de tout valider. Mais simplement de laisser place à ce qui résiste.
Ancrage et transmission
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Langues scripturaires
Revenir aux langues scripturaires — grec, hébreu, latin — n’est pas affaire d’érudition. C’est un acte de fidélité et de lucidité. Les mots de la foi portent une histoire, une précision, une profondeur.
Les fréquenter affine la pensée et clarifier l’écoute, sans fétichiser l’origine. Leur usage permet une relecture moins approximative des concepts théologiques. La fréquentation de ces langues éclaire les mots que l’on utilise encore aujourd’hui : salut, foi, chair, sanctification, esprit, grâce… Travailler ces mots à la source, c’est ouvrir un accès plus juste à ce qu’ils désignent, sans sacraliser la lettre, mais sans se contenter non plus de nos préjugés. -
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Liturgie, rythme et réception
Il existe des formes qui n’ont pas besoin d’être repensées en permanence. Certaines liturgies ont été façonnées lentement, par des siècles de prière, d’écoute et de nécessité. Elles offrent un espace stable, un temps habité, où le corps peut se déposer, où la parole peut circuler sans sursollicitation. La liturgie devient alors un lieu de réception, de rythme et de silence, où l’on ne cherche pas à produire du sens, mais à être traversé. Il ne s’agit pas de tout comprendre, mais de rester présent.
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Vie spirituelle et incarnation
La vie spirituelle passe aussi par l'incarnation. Le corps n’est ni sacré par nature, ni honteux. Il est le lieu d’une transformation, d’un travail, d’un appel. Il porte la mémoire, les blessures, la résistance, l’adoration. Il n’est pas le support secondaire d’une vie intérieure plus vraie, mais une dimension essentielle de toute relation au monde, à soi et à Dieu. Ce qui passe par le corps n’est pas annexe — c’est ce qui donne poids à la parole et aux gestes. La sanctification (hagiasmos) n’est sans doute pas une exaltation du corps, mais elle n’est pas non plus son effacement.
Elle implique un rapport juste au corps : ni instrumentalisé, ni méprisé. -
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Un monde pour Dieu
Dieu ne sauve pas hors du monde.
Le monde est un enjeu spirituel pour Dieu. Ce qui est visible, incarné, collectif, est traversé par l’Esprit. Le monde compte pour Dieu. Tout dualisme radical entre l’intérieur et l’extérieur, entre le spirituel et le matériel, entre l’âme et le monde, finit par desservir la vie spirituelle. Ce qui est donné à voir, à toucher, à habiter n’est pas un piège, ni un obstacle à la vérité. C’est là que les Écritures prennent place, que les corps vivent, que le temps s’écoule, que la foi s’éprouve. Le monde, ses formes, ses limites, ses épaisseurs sont aussi le lieu du combat et du dévoilement. Il n’y a pas de salut qui contourne le réel. -
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Tradition et fidélité vivante
La tradition ne s’oppose ni à l’esprit critique ni à l’inventivité. Elle est ce qui se transmet, non par répétition, mais par écoute et reprise. Elle permet de ne pas dépendre uniquement de soi. Elle lie les vivants à ceux qui ont prié, parlé, enseigné, douté avant eux. Elle ne donne pas la solution, mais elle évite de croire que l’on est seul à poser les questions. Être fidèle n’est pas se soumettre, c’est recevoir assez profondément pour pouvoir transformer sans effacer.
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Communauté et communion
La relation à Dieu ne peut être réduite à une expérience intérieure. Elle est aussi historique, collective, située. Elle s’inscrit dans des formes communautaires qui dépassent l’individu — et pas seulement dans un sens institutionnel. L’Église, dans ses multiples visages, relie les personnes au-delà des cultures, des générations et des langues. D’autres communautés de foi, ailleurs sur la terre, travaillent la même tension entre fidélité et ouverture. Ce qui se vit là, dans la pluralité des corps et des langues, compte aussi.