« Devenons ce que nous recevons et recevons ce que nous sommes : nous sommes le corps du Christ »
Moi, la Cène, ça me fait rien.
Ou rien de ce que ça « devrait » faire.
Et pourtant j’y reviens.
J’ai besoin que ça me fasse quelque chose.
Mais je vais pas le fabriquer.
Et surtout pas une extase.
Pas une émotion pieuse, ni une vibration religieuse.
Juste…
un geste qui tienne.
Un morceau de pain qui dise : t’es pas seul. T’es nourri. T’es dedans. T’es à ta place.
Bienvenue dans On fait le tri.
Pas le tri entre ceux qui ressentent et ceux qui passent à côté.
Le tri entre la pression de sentir quelque chose
et la promesse que ça agit, même quand tu sens rien.
Souvent, la Cène brille par ce qu’elle n’apporte pas.
Par tout ce qu’on attend d’elle.
Par tout ce qu’elle réveille — ou pas.
Tu te retrouves là, debout, dans une communauté
qui ne sait plus trop si elle célèbre ou si elle commémore.
Tu regardes ton bout de pain sec comme on regarde un silence.
Et t’as envie que ça pèse.
Que ça ancre.
Que ça dise quelque chose de vrai dans ton corps.
Mais ça flotte.
Et t’as la culpabilité de rien ressentir.
Ou de pas ressentir ce que tu devrais.
Et tu sais même pas ce que tu devrais.
Et en plus, c’est pas souvent.
Tu viens enfin au culte.
T’as roulé 20 bornes, pris sur ton dimanche.
Et là, non. Pas aujourd’hui. Pas de Cène.
« Parce que normalement c’est une fois pas an. (Non)» « Parce qu’il y a eu un baptême la semaine dernière. »
« Parce que c’est pas prévu au planning. »
T’as l’impression d’être à la boulangerie d’un bled un mardi de lendemain de foire.
Porte close. Rien à bouffer. Tu repars vide.
Mais tu restes.
Tu continues à venir.
Parce que quelque chose en toi a besoin de ce geste.
Même quand il est faible.
Même quand il te frustre.
Peut-être parce que la Parole, c’est trop dans la tête.
Et toi, t’as besoin que ça passe par le corps.
Par une main qui donne.
Par une mie qui s’effrite.
Par une table qui te dit : « Toi aussi, tu es là. Tu es de ceux qui reçoivent. »
Alors on va faire le tri ici aussi.
Entre ce que je ressens,
et ce que Dieu fait.
Entre la forme liturgique,
et ce que ce pain fragile continue d’annoncer.
La thèse ?
Même si tu ressens rien,
tu reçois quelque chose.
Et si tu as faim,
tu es déjà au bon endroit.
Une autre manière de voir les choses ?
Il y a les jolis récits.
Mais on va pas oublier que Dieu passe aussi par le vide, le manque, l’attente.
Que ce pain t’appelle même quand il te touche à peine.
Et que la communion commence peut-être
quand tu te dis que tu n’y es pas encore.
On en parle ?