Tu vas finir par être parfait, oui?

Allons droit au but (au telos) : ce qui m’intéresse, c’est de faire ressortir le mot telos, souvent caché derrière nos idées un peu simplistes de la "perfection".

Dans Matthieu 5,48, le texte dit : « Ἔσεσθε τέλειοι » — ce qui veut dire « Vous serez parfaits », mais le mot utilisé vient de telos, qui signifie but, accomplissement, ce vers quoi on tend.

L’idée n’est donc pas de balayer trop vite la notion de perfection. Elle est clairement centrale dans ce passage, mais aussi ailleurs chez Matthieu (« Si tu veux être parfait… », Mt 19,21), et même dans l’Ancien Testament : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. » (Lévitique 19,2).

Tu sais que j’accorde beaucoup d’importance à ce qui reste non terminé, en chantier, en tension.

Deux autres passages me viennent à l’esprit :

– Genèse 17,1 : « Quand Abram eut 99 ans, Dieu lui apparut et lui dit : Je suis le Dieu tout-puissant ; marche devant moi et sois intègre (tamim). »
– Philippiens 3,15 : « Tous ceux qui sont adultes dans la foi (τέλειοι) doivent penser ainsi. »

Dans la version syriaque (la Peshitta), c’est le même mot qui revient dans ces deux textes : ܓܡܝܪ (gmīr), un mot qui peut désigner plusieurs formes de plénitude ou de maturité :

  1. combler un manque,

  2. corriger un défaut,

  3. terminer un travail ou une construction,

  4. arriver à l’épuisement ou à la consommation,

  5. se perfectionner soi-même.

Alors, qu’est-ce que je retiens de tout ça ?

– Cette idée d’accomplissement n’est pas réservée à la fin du monde ;
– Elle demande quelque chose de nous, elle ne tombe pas du ciel ;
– Et surtout, elle est collective : c’est « vous tous » qui êtes appelés à cette perfection, pas chacun dans son coin.

Quelles formes de plénitude ou d’accomplissement sont vraiment en jeu ici ?
C’est cette question-là que j’aimerais creuser.

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