Moi, j’aime beaucoup Jésus

On m’a déjà dit

Moi, j’aime beaucoup Jésus. Pas “le Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, vrai Dieu, vrai homme…”
Juste Jésus.
L’homme de Galilée. Le maître sans diplôme. Le poète errant.
Celui qui parlait en paraboles, qui touchait les lépreux, qui se taisait devant Pilate.

Je ne crois pas qu’il soit ressuscité.
Je ne crois pas qu’il soit Dieu.
Mais il me reste.

Il me reste sa manière de regarder.
Son absence d’aigreur.
Son courage face au mépris, à la trahison, à la mort.

Il me reste sa voix, dans certains textes.
Il me reste le trouble qu’il provoque.
Et parfois, il me manque. Pas comme un sauveur. Comme une énigme.

Comme un souvenir d’enfance.
Ou comme un rêve qu’on n’a jamais complètement quitté.

Alors oui, j’aime beaucoup Jésus.
Mais ça me laisse dans une impasse.

Parce que l’Église me dit : il est Dieu. Il est vivant. Il est Seigneur.
Et moi, je n’arrive pas à suivre jusque-là.

Est-ce que ça suffit, d’aimer Jésus ?
Est-ce que c’est déjà une forme de foi ?
Ou est-ce que c’est, au fond, une nostalgie trop douce pour tenir debout ?

Et parfois, on entend aussi :

« C’est l’être humain parfait, le meilleur que la terre ait porté.
Celui qui a montré comment aimer.
Celui qui a incarné au plus juste ce que les religions essayaient de dire. »

Mais ça non plus, ça ne résout pas tout.

Parce que si Jésus n’est qu’un exemple, qu’un modèle — alors il devient lointain.
Inaccessible. Comme tous les modèles.
Et un modèle, ça ne répond pas.
Un modèle, ça ne parle pas quand on souffre.

Et pourtant, Jésus…
Il continue à parler à des gens qui ne le prient pas.
À toucher ceux qui ne croient plus.
À déranger même ceux qui s’étaient détournés de tout.

Et ça, c’est plus qu’un souvenir.
C’est presque une présence.

Alors est-ce qu’on peut l’aimer, sans croire en lui ?
Est-ce qu’on peut le suivre, sans l’adorer ?
Est-ce que ce serait déjà une manière de croire —
maladroite, partielle, mais réelle ?

Ou est-ce que c’est juste une impasse, une nostalgie ?
Quelque chose qui réchauffe, mais qui ne tient pas ?

On en reste là ?

Parce que si Jésus n’est qu’un maître de sagesse —
alors son histoire se termine mal.

Il meurt seul, humilié, exécuté comme un criminel.
Et ses paroles, aussi belles soient-elles,
restent suspendues entre deux croix.

Mais dans la foi chrétienne, ce n’est pas la fin.

Ce n’est pas seulement parce qu’on aurait “besoin” qu’il soit plus que ça.
C’est parce que son humanité même pousse plus loin.

Parce qu’il ne s’est pas contenté de dire la vérité —
il a porté la vérité jusqu’au rejet.
Parce qu’il n’a pas seulement appelé à aimer —
il a aimé jusqu’à se laisser briser.

Et c’est là que se joue quelque chose d’unique :
Non pas un héros tragique,
mais une vie donnée pour les autres,
sans se retirer, sans accuser, sans céder.

C’est ce mouvement — libre, jusqu’au bout —
qui, pour les chrétiens, révèle autre chose que de la sagesse.

Une autorité qui ne s’impose pas.
Un pardon qui ne s’achète pas.
Une vie qui dépasse la mort.

C’est pour cela que l’Église dit : il est Dieu.
Pas pour mettre une étiquette divine sur un homme exceptionnel.
Mais parce que ce qu’il révèle — dans sa faiblesse, dans sa fidélité, dans son pardon —
dit quelque chose de Dieu lui-même.

Mais s’il est vivant —
alors il ne s’agit plus seulement de l’aimer.
Il s’agit de le recevoir.
Non comme un souvenir inspirant,
mais comme celui que Dieu a justifié au matin de Pâques.

Car dans la tradition réformée,
ce n’est pas Jésus qui se glorifie lui-même.
C’est Dieu qui l’a relevé.
Dieu qui a dit “oui” à une vie que tout le monde avait condamnée.
Et ce relèvement, c’est plus qu’un miracle :
c’est un jugement, un acte souverain,
par lequel Dieu tranche — non pas contre nous, mais pour nous.

Il ne s’agit donc pas d’un simple retour à la vie,
mais d’une proclamation :
ce crucifié est le vivant.
Et en lui, c’est l’humanité blessée qui est relevée.
C’est le péché qui est démasqué, et la grâce qui prend le dessus.

Dès lors, suivre Jésus ne consiste pas à l’imiter de loin,
comme un maître exemplaire.
C’est entrer dans un appel :
celui d’une vie qui ne s’appartient plus,
mais qui, par lui, est rendue à Dieu.

Cela ne supprime ni les doutes, ni les résistances.
Mais cela ouvre une autre voie :
celle d’une fidélité qui ne vient pas de nous,
et d’une espérance qui ne repose pas sur notre force.

Jésus n’est pas simplement admirable.
Il est, pour les chrétiens,
le point de départ d’un retournement.
Non parce qu’on aurait décidé d’y croire,
mais parce que Dieu a décidé de le relever.

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Je veux bien croire en Dieu, mais