Je m’appartiens
Oui.
Je m’appartiens.
Je ne suis la propriété de personne.
Je n’ai pas été façonné pour obéir, pour plaire, pour me plier.
Je ne suis pas un objet. Pas une possession.
Et je n’ai pas été mis au monde pour servir d’outil à qui que ce soit — ni dans une relation, ni dans une institution, ni dans une Église.
Je suis à moi.
C’est ma manière de tenir debout.
C’est mon nom, c’est mon corps, c’est mon chemin.
Je suis celui qui dit oui, ou qui dit non.
Je suis libre.
Et ce n’est pas de l’orgueil.
C’est ma dignité.
C’est ce qui me protège de la domination, du contrôle, de la fusion.
C’est ce qui me garde vivant, pensant, entier.
Alors non, je n’appartiens à personne.
C’est une position à défendre.
Un territoire sans frontière.
Un feu qu’il faut raviver chaque jour.
Parce qu’autour, ça insiste.
Ça veut récupérer, classer, façonner.
Même les regards gentils. Même les systèmes bienveillants.
Même les mots doux veulent souvent dire : “sois comme on attend”.
Alors je tiens.
Mais tenir, ça use.
À force de m’appartenir seul, il y a des jours où ça commence à bien faire.
Le catéchisme de Heidelberg commence par une autre phrase :
« Quelle est ta seule consolation dans la vie et dans la mort ? »
Et la réponse n’est pas une idée.
C’est un arrachement :
« Que je n’appartiens pas à moi-même, mais à Jésus-Christ, mon fidèle Sauveur. »
Est-ce que c’est possible d’appartenir à quelqu’un
— sans être réduit, sans être repris ?
Est-ce que c’est ça que j’ai cherché, sans le dire —
un lien qui me garde sans m’éteindre ?
Est-ce que c’est ça, une consolation ?
Pas un soulagement. Pas une solution.
Mais quelqu’un.
Quelqu’un qui ne prend pas.
Quelqu’un qui reste.
Quelqu’un qui tient, même quand moi je lâche.
Je le redis :
je m’appartiens.
Et je n’appartiens à personne.
Mais si c’est à Dieu que j’appartiens —
alors je n’appartiens à personne d’autre.
Une dignité qu’on ne peut pas m’enlever ?
Un lien qui garde, un lien qui ne flanche pas quand ce qui se joue, c’est la dignité de l’être humain ? Pas juste la mienne.
On va plus loin ?
1. Appartenir à Dieu, c’est pas une prise d’otage
Dans la théologie réformée, le mot “appartenir” n’est pas synonyme d’obéir comme un pion.
Il renvoie à l’idée de rédemption : tu n’es pas une marchandise. Tu n’es pas à vendre.
Tu n’es ni à toi tout seul, ni à un autre, ni à l’État, ni à une Église.
Tu es gardé par un autre que toi, contre tout ce qui voudrait te posséder — y compris toi-même, quand tu flanches.
Et ce que dit Heidelberg, c’est pas “fais ce qu’on te dit”.
C’est : “T’as un lieu. T’es pas abandonné.”
2. Le droit d’être gardé — sans être annulé
Dans un monde où tout pousse à l’effacement ou à l’hypercontrôle, le protestantisme historique a quelque chose de rare :
Une vision où l’humain est responsable, mais jamais seul.
Où la dignité vient de Dieu, donc ne dépend pas de ta performance, de ta réussite ou de ta docilité.
Et ça, c’est pas du romantisme :
C’est une protection ontologique.
Si je suis à Dieu, alors je ne suis à personne d’autre.
Pas à un régime.
Pas à un patron.
Pas à une Église, pas même à ma famille.
Et pas à mes pulsions non plus.
3. L’appartenance chrétienne comme insoumission
Tu veux t’appartenir pour ne pas être réduit, ok.
Mais si appartenir à Dieu, c’est ne jamais être réduit à ce que tu fais ou à ce qu’on attend de toi,
alors on est pas loin de ce que tu cherchais.
C’est une appartenance désaliénante, pas une soumission.
Et tu sais quoi ?
Les protestants du XVIe siècle, les réformés français ou ceux qui ont répondu à la question du catéchisme de Heidelberg,
ils disaient déjà ça.
Pas avec des pancartes, mais avec des mots comme :
“liberté chrétienne”, “sacerdoce universel”, “consolation”.
Pas des concepts mous. Des armes de dignité.