Et maintenant, je fais quoi avec ça au taf ?

·

À la maison ? Avec mes potes ?

·

Comment je m'ajoute à tout ça ?

Et maintenant, je fais quoi avec ça au taf ? · À la maison ? Avec mes potes ? · Comment je m'ajoute à tout ça ?

Pierre Bergounioux Pierre Bergounioux

Quand ça passe plus

On cherche. Mais pas tout seuls

En cours d’écriture.
Quelques pensées provisoires, pour ouvrir la question.

Il arrive un moment où ça ne passe plus.

Pas seulement sur un point.
Pas seulement une difficulté isolée.
Tout semble se rejoindre. Tout pèse.
La foi, la famille, le corps, le pardon, la colère, la peur, les conflits : tout vient ensemble, sans qu’on sache par où commencer.

On voudrait pouvoir trier.
Dire : « Aujourd’hui, c’est juste la fatigue. »
Ou : « C’est juste la solitude. »
Ou encore : « C’est juste cette dispute, cet échec, cette honte, cette culpabilité. »

Mais parfois, tout est lié.
Et il n’y a pas d’étiquette assez simple pour ce que l’on porte.

La Bible ne cache pas ces moments-là.

On pense tout de suite à Job, bien sûr. Mais il y a aussi Jérémie, effondré dans sa vocation et maudissant le jour de sa naissance (Jr 20,14-18).
Il y a Élie, écrasé sous un genêt, qui demande la mort (1 R 19,4).
Il y a les psaumes d’angoisse où Dieu semble lointain et muet (Ps 88).

Même Jésus, dans le jardin de Gethsémani, à la veille de sa passion, connaît cet écrasement :

« Mon âme est triste à en mourir. » (Mt 26,38)

Il n’a pas tout trié.
Il n’a pas tout porté tranquillement.
Il a demandé à ses amis de veiller avec lui. Il a prié. Il a lutté. Il a su ce que voulait dire : quand ça ne passe plus.

Alors, que fait-on quand tout coince ?
Quand rien ne semble pouvoir être séparé ou réparé immédiatement ?

Peut-être rien, justement.
Pas tout de suite.

Peut-être qu’il s’agit d’abord de ne pas s’arracher à soi-même.
De rester là, dans ce lieu sans issue claire.
De ne pas désavouer ce qui est ressenti.
De ne pas mépriser ce qui est trop lourd.

Et d'oser murmurer — même à voix brisée, même sans grand espoir :

« Ô Dieu, ne sois pas loin de moi ! Mon Dieu, viens vite à mon secours ! » (Ps 71,12)

Même si la prière paraît vide.
Même si personne n’écoute.

Quand ça ne passe plus, ce n’est pas la foi qui a disparu.
C’est parfois le lieu même où la foi devient autre chose :
Non plus une force.
Mais une attente nue.
Un appel sans fard.
Un lien fragile, mais réel.

Pas besoin de feindre d’aller bien.
Pas besoin de forcer une reconstruction immédiate.
Pas besoin d’avoir toutes les réponses.

Il suffit peut-être, pour ce soir-là, de ne pas lâcher le fil.
Même mince, même ténu.
Même avec la peur, la colère, l’impossibilité.

Et croire — ou du moins espérer — qu’un fil, aussi usé soit-il, peut encore tenir entre nos mains.
Et dans celles de Dieu.

Est-ce qu’il faut tout accepter ?

Quand on est là, dans cet endroit où rien ne passe plus,
Quand la fatigue, la colère, la solitude, la honte, les questions se mêlent,
On pourrait croire que le seul chemin est de tout encaisser.
De dire oui à tout.
De se soumettre.
D’endosser, même ce qui détruit.

Mais la question est peut-être ailleurs.

Faut-il accepter ce qu’on subit ?
Faut-il bénir ce qui écrase ?
Faut-il appeler "croix" ce qui n’est qu’injustice imposée ?

L’Écriture n'encourage pas à tout absorber sans discernement.

Jésus lui-même, au jardin, prie pour que la coupe passe loin de lui (Mt 26,39).
Il ne la glorifie pas. Il ne se jette pas dedans avec héroïsme.
Il lutte.
Il parle vrai.
Il demande.

Et c’est dans cette parole nue, dans cette résistance sans posture, que la foi respire encore.

Il arrive que certaines douleurs, certaines violences, ne soient pas à accepter, mais à porter autrement :
Non pas en les niant.
Non pas en les sanctifiant.
Mais en les livrant à Dieu, sans filtre, comme un poids qu’on ne peut pas porter seul.

Peut-être que la foi, alors, n’est pas de tout accepter.
Mais de ne pas taire ce qui détruit.
De ne pas appeler bien ce qui est mal.
De ne pas transformer en vertu ce qui fracture.

Quand ça ne passe plus, ce n’est pas un échec de la foi.
C’est peut-être un appel plus profond :

Celui de ne pas accepter l’inacceptable.
Celui de ne pas se mentir.
Celui de rester vrai devant Dieu — même si tout le reste vacille.

Lire la suite
Pierre Bergounioux Pierre Bergounioux

Prier quand on n’a pas envie

On cherche. Mais pas tout seuls

Des fois, j’ai pas envie.
Pas envie de prier. Pas envie de parler à Dieu.
Pas envie de faire semblant non plus.

J’ai la tête ailleurs.
Ou trop pleine.
Ou trop vide.

Et puis, prier… pour dire quoi ?
Que je doute ? Que je suis en colère ?
Que j’ai rien à dire ?

Parfois, je commence.
Je dis deux mots. Je m’arrête.
J’attends. Je m’ennuie. Je recommence.
Et c’est nul.

Mais peut-être que c’est ça aussi, prier.
Rester là, même si c’est flou.
Envoyer une phrase cassée, comme on lance une bouteille à la mer.
Et croire — un peu, juste assez — que quelqu’un peut encore entendre.

Prier quand on n’a pas envie, c’est pas héroïque.
C’est fragile. C’est humain.
C’est peut-être la seule manière honnête de rester en lien.
Sans forcer. Sans fuir.
Juste dire : je suis là.

Et parfois, ça suffit.

Lire la suite
Pierre Bergounioux Pierre Bergounioux

Et maintenant, je fais quoi avec ça ?

On cherche. Mais pas tout seuls

Je commence à comprendre.
À croire, peut-être. À sentir qu’il y a autre chose.

Mais ça change quoi, concrètement ?
Je me lève le matin.
Je bosse. Je croise mes potes. Je vois ma famille.
Et Dieu, là-dedans ? Il fait quoi ? Il attend que je m’isole pour lui parler ?

Ou est-ce qu’il y a une autre manière de vivre avec ?

Peut-être que la foi, c’est pas un supplément.
C’est pas une couche en plus à rajouter à mon emploi du temps.

C’est une manière différente de regarder ce que je fais déjà.
Ce que je vis déjà.
Ce que j’aime, ce que je perds, ce que je cherche.

“Et maintenant, je fais quoi avec ça ?”
Peut-être que je commence par une toute petite chose.
Je prie. Je me tais. Je relis ma journée.
Je partage une parole. Je pose une question.
Je garde vivant, en moi, ce qui vient de plus grand que moi.

Et le reste, ça viendra.
Pas comme un plan.
Mais comme une route.

C’est aussi la question du faire

Le "faire" ne fonde pas le salut

Dans la tradition réformée comme luthérienne, le salut n’est pas une conséquence de nos actes, mais un don gratuit de Dieu, par grâce, reçu dans la foi.
Cela vient clairement de Luther et de Calvin, et reste central dans la prédication protestante :

« Ce n’est pas pour être sauvé que je fais, mais parce que je suis sauvé. »

Donc, la question du faire ne peut pas être : "Que dois-je faire pour mériter ?", on pensera plutôt :

"Qu’est-ce que cette grâce déclenche en moi ?"

Le "faire" comme réponse, pas comme condition

Jésus appelle à une vie engagée — mais toujours à partir de la rencontre, jamais comme préalable.
→ Exemple de Zachée (Luc 19), ou de la femme adultère (Jean 8) : l’acte vient après la parole d’accueil et de pardon.

En protestantisme, cette dynamique est souvent formulée dans les catéchèses ou prédications comme une éthique de la gratitude, et non de la peur ou du mérite.

Tout ça c’est bien beau, Mais alors… faire quoi ?

C’est ici que surgit la question existentielle et pratique :
Si Dieu m’a parlé, m’a relevé, m’a justifié — qu’est-ce que je fais maintenant avec ça ?
Et cette question, justement, n’a pas une seule réponse. C’est souvent à ce moment-là que naît un appel personnel, une forme d’éthique située, ou une vocation.

Elle peut se formuler ainsi dans un cadre EPUdF :

"Comment vivre concrètement l’amour du prochain dans ma situation ?"

"Comment agir dans ce monde troublé, sans croire que je peux tout réparer ?"

"Qu’est-ce qui, en moi, est appelé à être mis en mouvement ?"

Références souvent mobilisées dans ce cadre :

  • Romains 12,1–2 : "Offrez vos corps comme un sacrifice vivant…"

  • Galates 5,13 : "C’est à la liberté que vous avez été appelés… servez-vous les uns les autres par amour."

  • Jacques 2,17 : "La foi sans les œuvres est morte." — toujours interprété dans la nuance : les œuvres ne justifient pas, mais expriment.

Lire la suite
Pierre Bergounioux Pierre Bergounioux

Foi et travail : ça s’articule comment ?

On cherche. Mais pas tout seuls

J’ai ma foi.
Et j’ai mon taf.

Mais entre les deux, y’a parfois un mur.
Un rythme qui laisse pas de place.
Des décisions à prendre sans prière préalable.
Des collègues qui comprennent pas trop.
Et des moments où, franchement, j’ai pas envie d’être chrétien au boulot — juste efficace.

Alors je fais comment ?
Est-ce que je dois “parler de Dieu” à la machine à café ?
Est-ce que je dois prier avant chaque mail ?
Est-ce que je dois supporter l’injuste “avec amour” ?

Ou est-ce que je peux juste… travailler. Sérieusement.
Et vivre ma foi autrement.

Peut-être que foi et travail, ça commence pas par des versets affichés.
Mais par une manière d’être.
Un respect, même dans la tension.
Une résistance aux logiques de pouvoir toxiques.
Une fidélité discrète — pas à mes résultats, mais à mes valeurs.

Peut-être que je suis pas là pour tout changer.
Mais pour que quelque chose, dans mon taf, ne soit pas entièrement avalé par la logique de profit, de compétition, ou de mépris.

Peut-être que Dieu ne me demande pas de tout sacraliser.
Mais juste de ne pas m’oublier dans ce que je fais.

Et ça… c’est déjà un sacré chantier.

Lire la suite