J’ai pas envie de posséder Dieu
Je veux pas glorifier. Je veux crier. « Pour toujours » me fait peur.
Tu ne cherches pas la gloire. Et quand bien même.
Tu cherches à garder la tête haute ou juste à tenir debout.
Tu veux pas « jouir de Dieu pour toujours ». Juste respirer un peu aujourd’hui. Voire qu’on me laisse souffler.
Tu n’as pas grandi dans la liturgie. Tu as grandi dans les questions.
Et tu as appris à ne compter que sur toi.
À faire du mieux que tu peux avec ce que t’as.
À ne pas attendre qu’un dieu t’éclaire — encore moins s’il reste silencieux.
Alors parler de « but suprême » …
Tu veux pas mentir.
Tu veux pas t’agenouiller non plus.
À la limite que quelqu’un entende ce que tu portes.
Mais est-ce que c’est pas non plus une injonction insupportable,
cette idée d’avoir à porter sa vie tout seul ?
Et si le sens ne se fabriquait pas ?
Et si la joie n’était pas une conquête ?
Et si la gloire n’était pas qu’un mot religieux, mais un éclat qu’on reçoit — au creux même de ce qui refuse, résiste, se bat ou s’effondre ?
Le catéchisme de Westminster commence par cette phrase :
« Glorifier Dieu et jouir de lui pour toujours. »
Jouir, c’est pour traduire l’anglais enjoy. Posséder Dieu, c’est pas terrible non plus comme traduction. L’idée, en tout cas, c’est massif. C’est grand. Peut-être trop pour nous.
C’est pas une question d’y croire, de ne pas y croire, de ne plus y croire, ou pas encore.
C’est pas là que ça se passe.
À la limite, ça pourrait peut-être avoir à faire avec ce que j’espère parfois sans trop le dire.
Glorifier, à voir.
Et peut-être cette idée déjà ne pas avoir à tout décider tout seul, tout le temps.
On en reste là ?
Parce que même si je veux pas glorifier,
ça veut pas dire que je veux rien dire.
Et même si « pour toujours » me fait peur,
ça veut pas dire que je n’attends rien.
C’est pas que je rejette l’idée de Dieu.
C’est juste que j’en peux plus qu’on m’en parle
comme s’il fallait que je sois sage,
reconnaissant,
propre.
Est-ce qu’on peut parler de Dieu sans perdre sa voix ?
Est-ce qu’on peut le chercher sans devoir s’excuser de douter ?
Est-ce qu’on peut hurler, et que ça compte ?
Pas pour faire spectacle.
Mais pour être entendu, enfin, sans devoir baisser les yeux.
Est-ce que Dieu, s’il existe, entend ce genre de cri ?
Est-ce que glorifier pourrait vouloir dire ça ?
Pas élever des mots vides, mais lancer ce qu’on n’arrive plus à porter.
Et si « pour toujours » n’était pas un piège,
mais une promesse qu’on n’est pas obligé de comprendre tout de suite ?
Un mot trop large pour aujourd’hui,
mais pas forcément hostile ?
Je ne veux pas posséder Dieu.
Mais peut-être que je veux ne pas être laissé seul avec ce que je porte.
Peut-être que je veux un lieu
où le silence ne soit pas une punition.
Où ma révolte ne soit pas un obstacle.
Je ne sais pas comment ça s’appelle.
Mais je sais que j’en ai besoin.