Mon but, dans la vie… réussir
Je le dis sans détour.
Réussir.
Pas dominer. Pas briller. Juste : faire que ça marche.
Trouver une place.
Payer mes factures.
Faire mieux que ce que j’ai reçu.
Garder la tête hors de l’eau.
Être reconnu, un peu. Aimer, si possible.
Et laisser quelque chose derrière moi.
C’est pas spectaculaire.
Mais c’est pas rien.
Parce que réussir, pour moi, c’est une question de survie.
C’est ce qui me tient.
Ce qui me fait me lever le matin.
Ce qui m’a fait encaisser, recommencer, traverser.
Je n’ai pas le luxe de m’interroger longtemps sur le sens profond.
Je veux que ça tienne. Que ça avance.
Et que ça laisse des marques visibles.
Sinon, à quoi bon ?
Alors quand j’entends cette question des anciens catéchismes :
« Quel est le but principal de la vie humaine ? »
et qu’on me répond :
« Connaître Dieu, le glorifier, et jouir de lui… »
je me dis — c’est beau, peut-être.
Mais c’est pas vivable, pour moi, là, maintenant.
Et pourtant…
Je sens bien que réussir, ça ne suffit pas toujours à me porter.
Que certains soirs, même entouré, même accompli,
je me sens vide.
Pas dépressif. Juste… pas plein.
Et je me demande.
Est-ce que mon but, dans la vie, c’est seulement ce que j’arrive à produire ?
Est-ce que réussir, c’est suffisant, quand l’amour ou la perte m’écrasent ?
Est-ce qu’il n’y aurait pas un autre mot, plus profond, plus fragile — que je n’ose pas chercher ?
Pas pour remplacer.
Mais pour accompagner.
Je n’en suis pas là.
Mais je note la question.
Je la garde quelque part.
Au cas où réussir ne suffirait pas toujours.
On en reste là ?
Parce que réussir, oui, c’est noble.
Mais est-ce que c’est assez vaste pour accueillir une vie entière ?
Est-ce que c’est assez souple pour tenir quand les fondations se fissurent ?
Quand ce qu’on construit commence à s’écrouler sans prévenir ?
Et réussir pour qui, au fond ?
Pour mes parents ? Pour mes enfants ? Pour l’image que je renvoie ?
Est-ce que j’ai défini moi-même ce qu’était une réussite ?
Ou est-ce que je cours encore dans une forme qu’on m’a laissée comme héritage ?
Est-ce que je suis en train de réussir ma vie —
ou simplement de bien la remplir ?
Et si “jouir de Dieu” ne voulait pas dire flotter, planer,
mais recevoir quelque chose qu’on ne peut pas produire soi-même ?
Un regard qui ne juge pas.
Une présence qui ne part pas.
Une joie qui ne dépend pas de mes résultats.
Et si glorifier, ce n’était pas s’écraser,
mais pointer vers ce qu’on ne peut pas s’attribuer —
et s’en réjouir ?
Je ne sais pas encore ce que je cherche.
Mais je sais que parfois, la réussite laisse un goût de métal.
Et que la joie, la vraie, ne vient pas toujours de ce que j’ai accompli.
Parfois, elle tombe.
Comme un don.
Comme un répit.
Comme un souffle.
Alors je continue.
Je travaille. Je construis. J’avance.
Mais je laisse une place,
au cas où quelque chose viendrait — que je n’aurais pas prévu.